Rapport de la conférence en table ronde « Semaine de la migraine »
La Semaine de la migraine se déroule toute cette semaine dans les pharmacies en Belgique. Cette campagne veut essayer de lever le tabou qui entoure la maladie. Le tabou ? En effet. Pas moins de 20 % de la population belge en souffre. Pire encore : 50 % des migraineux dissimulent leur maladie au travail, souvent pas crainte d’être incompris. Une incompréhension qui trouve souvent sa source dans la méconnaissance de cette affection neuro-vasculaire invisible.
La « Semaine de la migraine » est une initiative de l’entreprise pharmaceutique GSK, en collaboration avec les associations pharmaceutiques APB (Algemene Pharmaceutische Bond) et l’OPHACO (Office des Pharmacies Coopératives de Belgique). Ce jeudi 11 mai, les organisateurs de la Semaine de la migraine ont tenu une conférence sur le sujet, faisant suite à leur nouvelle campagne ‘Ne chachez pas votre migraine’. Celle-ci est activement soutenue par les entreprises Mayerline, IBM, Partena, Mensura, Essent, PepsiCo. Ce rapport est un résumé de la table-ronde qui avait pour thématique : la migraine sur le lieu de travail. Voici les noms des participants :
- Mimi Lamote, CEO de Mayerline et migraineuse
- Dr Gianni Franco, neurologue, CHU de Dinant, Vice-président du Belgian Brain Council
- Dr Peter Winderinckx, médecin du travail Mensura
- Alain Chaspierre, porte-parole APB
- Jan Depoorter, porte-parole APB
- Griet, migraineuse, 30 ans
- Juliette, migraineuse, 23 ans
D’après le neurologue Jan Versijpt de l’hôpital universitaire de Bruxelles, trop d’inconnues subsistent encore sur la migraine, malgré les nombreuses études. De très nombreux facteurs entrent en ligne de compte : prédispositions génétiques, sensibilité aux déclencheurs comme le stress, certains aliments, l’alcool, l’hypersensibilité à la lumière et au bruit… Cette maladie se manifeste en outre chez les patients sous des formes diverses. Il est donc particulièrement difficile de prescrire un traitement unique. Une chose ne fait aucun doute : les effets d’une crise de migraine sont désastreux. « Ce n’est pas un hasard si l’Organisation mondiale de la Santé attribue le plus haut degré d’invalidité à un jour de migraine, au même niveau que la démence et la tétraplégie », commente le professeur Versijpt.
Le neurologue Gianni Franco du CHU-UCL Namur-Dinant estime qu’il faut mettre la question sur la table : la migraine doit-elle être considérée comme un handicap ? D’après lui, oui. Plus encore que l’absentéisme, le présentéisme (continuer à travailler alors que c’est presque impossible) est un problème de taille lorsqu’un travailleur est sujet à une migraine. Sans cette reconnaissance, il ne sera pas simple de convaincre la population des effets néfastes d’une crise de migraine, d’autant plus qu’elle est, jusqu’à un certain point, une maladie « invisible ». Professor Versijpt se joint aux propos du Dr Franco : « L’une des problématiques est que la migraine touche principalement le groupe de la population active. Très souvent, ces personnes ne veulent pas s’avouer vaincues : nous constatons qu’elles s’obstinent à terminer leur journée de travail. »
Griet nous témoigne qu’aspirer à une carrière bien remplie n’a rien d’évident pour les travailleurs qui souffrent de migraines. Sa fonction de consultante lui impose souvent un agenda chargé et des délais serrés. « Souvent, les crises de migraine s‘annoncent, mais si je suis sujette à une crise au travail, je tâche généralement de terminer ma journée. La douleur redouble alors d’intensité une fois dans le train ou dans la voiture sur le chemin du retour. Je dois parfois littéralement me traîner à travers la maison, tellement la douleur est forte. Je suis ensuite épuisée, comme si j’avais dû lutter contre mon propre corps. Heureusement, les gens au travail se montrent compréhensifs envers cette situation. Ils s’accommodent très bien de mes quelques jours d’absence que je peux avoir. »
Juliette, qui souffre elle aussi de migraines depuis trois ans, doit faire face aux conséquences sévères de la maladie. Ce n’est que deux ans après la première crise que l’étudiante décide de demander conseil à son pharmacien, qui la renverra vers un neurologue. Elle est en sujette à une crise une fois par semaine en moyenne, souvent provoquée par des moments de grand stress. Ses amis sont au courant, mais la situation reste difficile : « Dans mon cercle d’amis, personne ne souffre autant de migraine. Ils se montrent certes compréhensifs, mais ils pensent souvent qu’il s’agit simplement de fortes céphalées. » Juliette a mauvaise conscience lorsqu’elle doit s’éclipser des travaux de groupe. Les plaisirs de la vie estudiantine lui sont moins accessibles : « l’alcool et la foule sont des déclencheurs typiques de migraine. Même si je ne bois qu’un seul verre, je dois toujours être doublement vigilante à l’arrivée d’une crise qui n’est jamais très loin, dans de tels moments ».
D’après Alain Chaspierre et Jan Depoorter de L’Association Pharmaceutique Belge, l’exemple de Juliette montre clairement que le pharmacien a un rôle important à jouer dans la lutte contre la migraine. « Le pharmacien est vraiment très accessible. Il peut aider le patient à détecter les premiers signes et lui fournir de plus amples informations et un accompagnement dans le cadre du traitement, après que le médecin a posé un diagnostic », explique Alain Chaspierre. Jan Depoorter ne peut qu’approuver : « Cette grande accessibilité du pharmacien est d’autant plus importante au vu des chiffres concernant le tabou sur la migraine. Nous voulons clairement faire passer le message que les migraineux parmi nous ne doivent plus cacher leur migraine, ils peuvent enlever leur masque, nous leur donnons des pistes (comme le journal de la migraine et les brochures d’informations) qui leur permettent de prendre les choses en mains et devenir maîtres de leur condition. »
Gérer la migraine est un véritable défi, même pour les supérieurs. Mimi Lamote, CEO de Mayerline, est sujette à des crises 2 à 3 fois par mois. Je constate déjà une nette amélioration par rapport à avant, quand j’étais touchée 10 à 15 fois par mois. « Il n’est pas toujours possible de reporter les réunions importantes. Il faut y participer, ce qui est souvent terriblement douloureux et gênant. Dans de tels moments, je suis hypersensible à la lumière. À tel point que je suis parfois contrainte de demander à ce qu’on me ramène chez moi. Conduire sous la lumière aveuglante des lampadaires serait bien trop dangereux. »
Il n’est pas toujours simple de pouvoir compter sur la compréhension des collègues supérieurs dans ce qui est encore souvent un bastion d’hommes. « Je suis plus encline à parler de ma migraine à des femmes, simplement parce que j’en rencontre plus souvent que des hommes migraineux. Les choses sont certes différentes chez Mayerline : le personnel se compose majoritairement de femmes, mais j’évite de m’afficher. Les personnes des équipes avec lesquelles je collabore le plus étroitement sont au courant et se montrent compréhensives. Et inversement : je me montrerai toujours compréhensive envers un travailleur qui souffre de migraine. Je trouve le bien-être au travail pour mes collaborateurs très important. C’est la raison pour laquelle nous avons signé la charte de la Semaine de la migraine et soutenons activement la campagne dans notre entreprise. » Mayerline distribuera les brochures informatives et les posters dans les bureaux de la maison mère et magasins. L’Expérience Migraine fera également un passage par Mayerline. Le bus proposant une expérience sensorielle autour de la migraine. C’est ainsi que les collaborateurs pourront se rendre compte de l’impact de la migraine sur un de leur possible collègue migraineux. Ainsi la société espère ouvrir le dialogue autour de la migraine sur son lieu de travail.
Le médecin du travail Peter Winderickx de Mensura concède que la franchise avec laquelle Mimi Lamote parle de la migraine est plutôt une exception dans le monde des supérieurs. Malgré les effets néfastes dont souffrent les travailleurs, le sujet est rarement abordé par les CEO et les RH. La migraine est cependant responsable de la perte de 1,2 million de jours de travail par an : l’impact économique est donc bien réel. Le Dr Winderickx remarque toutefois que le sujet fait débat sur le lieu de travail. De nombreux travailleurs lui en parlent en consultation. Lui aussi confirme que la méconnaissance du sujet est problématique. « Une oreille attentive et une bonne dose d’empathie peuvent déjà rassurer le migraineux. De petites interventions suffisent en outre à améliorer la situation : il est relativement simple de travailler sur les déclencheurs tels que la lumière, la foule et le stress. » Le travail flexible peut avoir un impact considérable : Griet estime que le télétravail ou le fait de pouvoir commencer plus tard afin de mieux encaisser une crise imminente ou de mieux assimiler ses conséquences sont déjà très salutaires.
La Semaine de la migraine se poursuit dans les pharmacies belges jusqu’au samedi 20 mai. Les patients atteints de migraine pourront y trouver une brochure informative, un test et un journal de la migraine. Les entreprises dont le bien-être au travail est important peuvent télécharger le matériel de campagne sur www.pharmacie.be/actualites/semaine-de-la-migraine-2017, et ouvrir ainsi le dialogue autour de la migraine sur le lieu de travail.
A propos de la Semaine de la Migraine
La Semaine de la migraine est une campagne de sensibilisation qui veut aider à briser le tabou qui entoure la maladie en encourageant au dialogue sur la migraine entre le grand public, les entreprises, les migraineux et les pharmaciens et en les informant de manière accessible sur la migraine. C’est ce que fait la campagne :
- En mettant à disposition des brochures informatives et un test de la migraine dans les pharmacies ;
- En incitant les pharmaciens à jouer leur rôle de premier interlocuteur[1] ;
- En sensibilisant les entreprises et en appelant leurs travailleurs à ne plus cacher leurs problèmes de migraines en téléchargeant le matériel via www.pharmacie.be/actualites/semaine-de-la-migraine-2017
- En proposant une expérience au grand public au moyen d’une tournée « migraine experience ».
[1] Le pharmacien est souvent l’interlocuteur de référence pour le patient. Il peut donner une première indication sur la forme des maux de tête et éventuellement diriger le patient vers le médecin.